La difficulté quand on parle de grâce, c’est que ce terme peut signifier quelque chose de très vaste, comme l’ensemble de l’activité de Dieu envers l’humanité dans le cadre de la rédemption, mais aussi quelque chose de restreint comme une partie de cette activité. Dans le premier cas, on définira la grâce comme la faveur que Dieu montre aux hommes. Dans le second cas, on parlera de dons que Dieu accorde à l’homme dans sa grâce.

Dans cet article, j’aimerais souligner la différence importante qui existe entre la définition « protestante » ou « réformée » du mot grâce, que je considère comme biblique, et celle en usage dans l’église catholique ou dans beaucoup d’églises dites évangéliques.

En exposant leur doctrine de la justification les réformateurs ont montré que la grâce était avant tout une faveur imméritée de Dieu envers l’homme pécheur. Le meilleur exemple que nous ayons dans le Nouveau Testament est peut-être celui de la parabole du fils prodigue. La grâce est exemplifiée dans l’accueil que le père accorde à son fils repentant, un fils qui a dilapidé tous ses biens en vivant dans la débauche et qui ne peut plus rien attendre de lui. Nous comprenons au travers de cette histoire que la grâce est avant tout l’attitude du père et n’a rien à voir avec une disposition chez le fils prodigue. Certes la repentance du fils est une condition indispensable à sa réintégration, mais son père n’a pas attendu de connaître ses intentions pour l’attendre ou courir à sa rencontre.

L’église catholique a développé au cours des siècles une toute autre compréhension du concept de la grâce. Elle repose par exemple sur l’affirmation de Jésus dans l’évangile de Jean, au chapitre 15, verset 5: « Sans moi vous ne pouvez rien faire. » Ainsi pour l’église catholique la grâce est un don surnaturel ou un secours que Dieu nous accorde pour nous rendre capables d’une oeuvre. Rome parle de grâce sanctifiante comme de quelque chose que Dieu dispense et qui demeure dans notre âme, la rend juste, sainte et agréable aux yeux de Dieu. Ainsi quand l’église catholique dit que Marie est « pleine de grâce » ou qu’on lit à propos d’Etienne qu’il était rempli de la grâce divine (Actes 6:8), elle entend par là quelque chose de « substantiel » dans leur personne. Le problème avec cette doctrine, c’est qu’elle ne donne ni paix ni assurance parce qu’elle dépend de nos efforts et que nous pouvons perdre la grâce chaque fois que nous péchons.

Dans les messages de nombreuses églises évangéliques on compare souvent la grâce à une « puissance » ou un « courant » qui recharge notre « batterie spirituelle » lorsque nous nous « branchons » à Dieu par la prière ou la lecture de la Bible. On peut aussi perdre la grâce en se privant de ce contact avec Dieu.

Je ne veut pas dire que cette conception de la grâce « infusée » est totalement fausse et je pense que les deux sens mentionnés sont possibles, mais il convient malgré tout de faire une distinction importante. Parle-t-on de justification ou de sanctification? La justification n’est pas un processus par lequel la grâce de Dieu nous rend meilleurs ou plus spirituels. C’est un acte juridique par lequel Dieu déclare juste le pécheur qui se repent de ses péchés et place sa confiance en Jésus-Christ. En cela il nous accorde une faveur imméritée.

Par la sanctification Dieu nous rend peu à peu semblable à l’image de son Fils. C’est aussi une grâce qu’il nous fait en produisant ce fruit en nous. Ce processus de transformation demande certes notre coopération, mais il ne faudrait pas penser que ce pouvoir est entre nos mains. Sans l’Esprit de Dieu, nous ne serions capables d’aucune bonne oeuvre. Ce ne sont pas non plus des activités ou des bonnes habitudes qui peuvent affermir notre foi mais la compréhension de l’oeuvre du Christ et la communion avec lui.